“L’industrie de la mer est un monde d’hommes” : vrai ou faux ?

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“Le naval, les industries de la mer, c’est un monde d’hommes, les femmes n’y ont pas leur place” : peut-être as-tu déjà entendu cette phrase ? Peut-être même que si tu es une fille, as-tu abandonné l’idée de t’y intéresser à cause de ça ? On a voulu comprendre ce préjugé en discutant avec Marie-Noëlle Tiné-Dyèvre, directrice adjointe du Cluster Maritime Français* (CMF) et présidente de Wista France*, un réseau de femmes qui occupent des postes à responsabilités dans le secteur maritime.

Selon vous, ce préjugé est-il fondé ?

Marie-Noëlle Tiné-Dyèvre : “Il est vrai que culturellement et historiquement, il y a bien plus d’hommes dans les industries de la mer. En 2017, on comptait 20% de femmes dans ce secteur alors que le taux de féminisation moyen national, tous secteurs confondus, est de 48%. Mais j’attends le nouveau chiffre avec impatience ! Car on voit bien une évolution depuis l’ouverture aux femmes des écoles, notamment l’école navale dans les années 90. Depuis 2018, on observe une accélération sans doute liée à une prise de conscience collective et un effet d’entraînement des différentes entreprises du secteur. Aujourd’hui, les écoles veulent toutes recruter les jeunes filles et aller dans le sens d’une plus grande mixité. Elles se rendent bien compte que féminisation et égalité professionnelle sont des gages de performance et d’équilibre social au sein des entreprises. La Marine Nationale, par exemple, dit vouloir 50% de femmes en plus d’ici à 2030. C’est vraiment le moment de postuler !”

Vous travaillez main dans la main avec Elles Bougent : racontez-nous !

M-N. T-D. : “Oui, Elles Bougent a pour but d’attirer les lycéennes et étudiantes vers les métiers d’ingénieures et techniciennes. En 2016 et 2017 nous avons embarqué ensemble des collégiennes et lycéennes au Salon Nautique à Paris, à la rencontre des femmes sur les stands des entreprises du secteur maritime, et en particulier dans l’industrie nautique et navale. En 2018, à l’occasion de la Journée Mondiale des Océans le 8 juin, nous avons créé conjointement la journée les Elles de l’Océan avec 17 visites de sites (entreprises, chantiers navals, ports,…) qui ont été organisées sur tout le littoral métropolitain et ultramarin. 

En parallèle, nous avons organisé une grande conférence  à l’Assemblée Nationale avec le très fort soutien de la députée Sophie Panonacle, secrétaire de la Délégation aux Droits des femmes et à l’Egalité des chances entre les hommes et les femmes. L’occasion de montrer que, même s’il reste encore des progrès à faire, les femmes en poste dans des petites ou grandes entreprises occupent aussi de hautes fonctions, et que ce secteur permet autant une bonne mobilité interne qu’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Les Chantiers de l’Atlantique, Naval Group et la Marine nationale par exemple, sont très mobilisés sur cet enjeu de féminisation et mixité des équipes, et sont d’ailleurs partenaires d’Elles Bougent”.

Que diriez-vous à la jeune génération pour la pousser à s'intéresser aux industries de la mer ?

M-N. T-D. : “Les jeunes aujourd’hui, quel que soit leur sexe, se mobilisent beaucoup plus que les autres générations dans la protection de l’environnement. Ils font attention à bien se nourrir, ils respectent la nature, ils sont plus engagés qu’on ne l’était. Je vois bien que les jeunes de 20 ans sont très sensibilisés au développement durable, à la limitation de leur impact environnemental, aux énergies renouvelables. Les universités comme les écoles privées créent de plus en plus de cursus liés à ces enjeux d’économie maritime durable, et cela va répondre aux besoins des entreprises du secteur. C’est l’avenir ! Je dirais donc aux jeunes que s’ils sont en recherche d’un métier avec du sens et des valeurs, sans passer leur vie derrière un bureau, alors ils peuvent trouver leur bonheur dans les industries maritimes.”

Et à une fille en particulier ?

M-N. T-D. : “Il faut OSER ! N’hésitez pas à faire preuve de caractère, à avoir du répondant, n’ayez pas peur. Construire ou commander un navire demande beaucoup de responsabilités, et aujourd’hui ce sont des métiers tout à fait accessibles pour une femme !”

* Le Cluster Maritime Français fédère les entreprises de la filière maritime en France pour promouvoir l’économie maritime et ses acteurs qui œuvrent, entre autres, pour l’attractivité des formations et des métiers liés à la mer, et pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans les secteurs maritimes. Quant à WISTA France, ce sont 150 membres basées à Paris et dans toutes les grandes villes portuaires, et plus de 3000 femmes dans 52 pays.

Témoignages de femmes dans l'industrie de la mer